Le suffrage universel arrive dans l'île féodale de Sercq
La petite île anglo-normande proche de Guernesey élisait mercredi, pour la première fois, vingt-huit députés.
Pour le seigneur John Michael Beaumont et son sénéchal Reginald Guile, toute une époque s'est achevée mercredi. Les habitants de la petite île anglo-normande de Sark, Sercq en français, ont élu pour la première fois au suffrage universel les 28 députés de leur Parlement. C'est la fin d'un système féodal datant du XVIe siècle, et la disparition prochaine des pouvoirs du seigneur, qui dirigeait ce fief de la couronne anglaise depuis la mort de sa mère, en 1980. Avant les vastes changements constitutionnels de cette année, les lois féodales mises en place sous le règne d'Élisabeth Ire n'avaient que très peu changé. Le seigneur avait conservé un droit de cuissage sur ses sujets - droit qu'il n'exerçait évidemment pas - ainsi que l'exclusivité de l'élevage des pigeons ou l'autorisation d'avoir une chienne non stérilisée sur l'île.
La révolution menée par les jumeaux milliardaires
Ce système médiéval convenait à cette île de 5 km², peuplée de quelque 600 habitants, sur laquelle aucune voiture ne circule aujourd'hui encore. Jusqu'à ce que de riches étrangers découvrent ce petit paradis fiscal à la végétation luxuriante, perdu entre Guernesey et Jersey, à seulement 35 km des côtes du Cotentin, et décident de s'y installer. En 1993, les jumeaux milliardaires David et Frederick Barclay, propriétaires du quotidien conservateur Daily Telegraph et de l'hôtel Ritz à Londres, débarquent à Sercq. Ils achètent un gros îlot, Bréchou, sur lequel ils ne tardent pas à faire construire un château kitsch et un héliport. Le statut de paradis fiscal de Sercq les arrange évidemment, mais ils découvrent en revanche avec mauvaise grâce que cet avantage s'accompagne d'une ancienne règle normande de primogéniture, qui veut que les terres, comme les fortunes, reviennent automatiquement à l'aîné de la famille. Un principe féodal qui déplaît aux jumeaux Barclay, qui engagent des avocats pour trouver une faille dans le dispositif législatif de Sercq. Après des années de lutte, et une démarche auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, ils ont obtenu une réforme du Parlement de l'île, auparavant composé des «chefs plaids», les héritiers propriétaires de 40 domaines de l'archipel. En 2008, la révolution menée en coulisse par les Barclay est terminée. Avec la démocratie, les Sercquois découvrent en même temps les coups bas d'une première campagne électorale. Pour les 28 sièges du Parlement, deux camps s'affrontent. D'un côté les modernes, soutenus par David et Frederick Barclay, et de l'autre les traditionalistes, qui se rangent dans le camp du seigneur et du sénéchal. Leur prospectus de campagne arbore une image d'hélicoptère barré. En cas de victoire des traditionalistes, DB et FB, comme les appellent leurs partisans, ont menacé de quitter l'île et d'y retirer les millions qu'ils y ont investis.
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