L'hôpital de Musina en Afrique du Sud accueille les Zimbabwéens atteints du choléra. Assaillie par des immigrés qui fuient le pays de Mugabe, la petite ville frontière située sur les bords du Limpopo a toutes les difficultés à absorber le flot de ces réfugiés. Crédits photo : AP
Les camps de réfugiés installés à la frontière sont débordés. Les autorités redoutent une propagation du choléra.
Il y a des images dont l'Afrique du Sud se passerait bien. Des centaines de malades du choléra sont contraints d'être traités sur les pelouses de l'hôpital provincial de Musina, faute de place. Leurs perfusions ont été accrochées à la hâte dans les arbres par des infirmières débordées. 400 patients se sont présentés la semaine dernière. Il y en avait 650 cette semaine. Assaillie par des immigrés zimbabwéens qui fuient en masse le pays de Robert Mugabe, la petite ville frontière située sur les bords du Limpopo a bien du mal à absorber le flot de ces réfugiés politiques, économiques et désormais sanitaires.
Pour se rendre compte de l'état de la situation, Barbara Hogan, ministre de la Santé, s'est déplacée cette semaine à Musina. Elle a même tenu à se rendre dans l'ancien terrain de fêtes du village, devenu de facto un camp de réfugiés. Plusieurs milliers d'immigrés zimbabwéens s'y sont amassés. Ils vivent à même le sol. Pour limiter la propagation du choléra, les autorités sanitaires construisent des tranchées pour évacuer les eaux. Des seaux d'eau propre sont posés à côté des latrines de fortune pour inciter les résidents à se laver les mains le plus souvent possible. «C'est un gros problème pour nous de garder ces gens-là propres. Mais il faut qu'on fasse tous des efforts, sinon nos propres enfants en Afrique du Sud vont attraper la maladie», explique Freddy Chimureni, responsable au service d'eau de la municipalité du Limpopo.
Appel à la démission
Selon le Forum des Zimbabwéens en exil, il y aurait près de 5 000 immigrés clandestins dans le camp de fortune de Musina. L'Afrique du Sud les régularise au compte-gouttes. L'ex-pays de l'apartheid a bien du mal à absorber l'exode du pays voisin. On estime que les deux tiers des Zimbabwéens ont quitté leur pays. Mais si les autorités de Pretoria supportent patiemment la crise humanitaire de leur voisin, ils refusent toujours de soutenir les appels internationaux en faveur de la démission du président zimbabwéen. «La pression sur Robert Mugabe et la Zanu-PF (Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique, au pouvoir) a pour but de les pousser à […] mettre rapidement en place un gouvernement d'union nationale», a déclaré le directeur général des Affaires étrangères, Ayanda Nstaluba.
Depuis trois mois, le président et le leader de l'opposition, Morgan Tsvangirai, butent sur la répartition des ministères clés. Face à la crise humanitaire qui menace le Zimbabwe, la pression internationale s'est renforcée. Le président américain George W. Bush a affirmé la semaine dernière qu'il était «temps pour Robert Mugabe de partir». Il a été rejoint par le premier ministre britannique Gordon Brown et le président français Nicolas Sarkozy.
«Je n'ai pas de mots plaisants pour les chefs de l'État qui ont fait un par un ces déclarations contre le Zimbabwe, et j'espère que c'est la dernière fois qu'ils ouvrent leur dégoûtant caquet sur le Zimbabwe», a lancé le ministre de l'Information Sikhanyiso Ndovu. «Après avoir étranglé le pays avec des sanctions, l'avoir contaminé avec du choléra et de l'anthrax, l'Occident cherche à s'engouffrer dans la brèche ouverte par le désastre pour justifier une intervention militaire», a-t-il poursuivi. En insinuant que l'Occident pourrait bien avoir empoisonné le Zimbabwe, il a aussi affirmé que l'épidémie était «sous contrôle».
Les organisations humanitaires ont pourtant été appelées à la rescousse la semaine dernière par l'un de ses homologues, le ministre de la Santé zimbabwéen. Toutes espèrent pouvoir entrer dans le pays pour évaluer elles-mêmes la situation. Le dernier bilan fait état de 746 morts. Et l'ONU estime que 60 000 Zimbabwéens pourraient avoir contracté le choléra, soit quatre fois plus de personnes infectées que ne l'annoncent les autorités de Harare. «Au cours des huit dernières semaines la situation s'est détériorée […] Les hôpitaux ferment, les patients n'ont plus accès aux soins ; les infirmières et les médecins ne peuvent plus aller au travail», a expliqué Véronique Taveau, porte-parole de l'Unicef.
Dans le camp de réfugiés de Musina, les derniers remous diplomatiques apportent un peu d'espoir. Réfugiés politiques, économiques, ces immigrés clandestins qui n'ont nulle part ou aller se qualifient aujourd'hui de «réfugiés sanitaires». «Bien sûr que nous avons peur d'attraper la maladie, mais on est désespérés. Que voulez-vous qu'on fasse ? On ne va pas retourner là-bas pour se faire frapper ! Les Sud-Africains finiront bien par avoir pitié de nous et nous donner des papiers…» explique l'un d'entre eux.
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